QE – Inégalités dans les poursuites pour exhibition sexuelle

Question écriteN° 20536
M. Ugo BernalicisLa France insoumise – Nord
Ministère interrogéJustice
Question publiée au JO le18/06/2019
Réponse publiée au JO le
Lien hypertexte http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-20536QE.htm

M. Ugo Bernalicis attire l’attention de Mme la ministre de la justice, garde des sceaux, sur les inégalités dans les condamnations pour exhibition sexuelle par les magistrat·e·s au titre de l’article 222-32 du code pénal, en particulier dans les situations liées à des revendications politiques.

Ce délit, puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende, souffre d’une définition imprécise. La jurisprudence ne pallie pas à cette lacune en estimant que deux éléments constitutifs doivent être obligatoirement constatés par le juge : l’exhibition sexuelle en public et la conscience d’offenser la pudeur d’autrui. Cette architecture juridique laisse la possibilité à une interprétation sexiste que je dénonce.

Plus particulièrement, la jurisprudence semble plus dure à l’égard des femmes que des hommes lorsqu’il s’agit de revendication politique. En effet, de nombreuses condamnations sont venues sanctionner l’action de mouvement féministe. Par exemple, en décembre 2014, le tribunal correctionnel de Paris a condamné l’ex-femen Eloïse Bouton à un mois de prison avec sursis pour « exhibition sexuelle » et 2 000 euros de dommages et intérêts au curé de la Madeleine, ainsi que 1 500 euros au titre des frais de justice ; décision confirmée par l’arrêt de Cassation Criminelle du 10 janvier 2018. Pourtant, comme l’ont fait remarquer les signataires de la tribune publiée dans Libération le 21 décembre 2014, « la nudité des femmes n’est pas politique ». Cette même tribune fait le juste constat que la nudité politique des hommes, pourtant concernée par le même cadre légal, n’est pas condamnée. Les militants écologistes qui manifestaient nus en novembre 2012 contre la construction de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, les intermittents du spectacle et le collectif Kamyapoil qui, totalement dévêtus, ont interpellé la ministre de la Culture et de la Communication, Aurélie Filippetti, sur la réforme de leur statut en juin 2014 et les membres des Hommen, mouvement masculin non mixte issu de la Manif pour tous, qui à l’instar de Femen, militent torse nu, n’ont pas été poursuivis pour « exhibition sexuelle ». Monsieur le député tient à être clair, il ne faut pas plus condamner. Le fait est que, dans ces cas, ce sont bien les militantes qui sont condamnées et pas les hommes, attestant ainsi une vision patriarcale du droit, qui sexualise par essence le corps des femmes.

Ainsi, M. le député considère que la ministre de la justice doit donner des directives claires pour empêcher un tel traitement discriminatoire. Au titre de l’article 30 du code de procédure pénale, Madame la ministre de la justice conduit la politique pénale déterminée par le Gouvernement, et veille à la cohérence de son application sur le territoire de la République en adressant aux magistrat·e·s du ministère public des instructions générales. Aussi, M. le député demande à Mme la ministre de faire usage de ce droit en précisant dans sa circulaire pénale la nécessité de traiter de la même manière la nudité politique des hommes que celle des femmes, et ce dans l’objectif de lutter contre les inégalités de genre et de veiller à la cohérence de l’application de la loi sur le territoire de la République.

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