QE – Transparence sur les décès survenus au centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses.

 

Question écrite N° 8509
M. Ugo Bernalicis La France insoumise – Nord
Ministère interrogé Justice
Question publiée au JO le 22/05/2018
Réponse publiée au JO le
Lien hypertexte http://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-8509QE.htm

Texte de la question

M. Ugo Bernalicis appelle l’attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur l’incident ayant conduit au décès d’un jeune homme âgé de vingt-sept ans, dans une cellule du quartier disciplinaire du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses.

Le samedi 14 avril 2018, Jaouad placé en détention provisoire est retrouvé mort, pendu dans une cellule du quartier disciplinaire où il venait d’être envoyé. À la suite de ce tragique incident, des mouvements de révolte ont éclaté à l’extérieur de l’établissement pénitentiaire, dans le quartier du Mirail à Toulouse. Dans les jours qui suivent, des détenus de la maison d’arrêt ont refusé de regagner leur cellule à l’issue de la promenade. Une rumeur selon laquelle Jaouad aurait été assassiné se répand. Le mardi 17 avril 2018, le parquet de Toulouse réagit à cette rumeur dans un communiqué qui indique que l’autopsie a conclu que le décès s’avère consécutif à un syndrome asphyxique compatible avec une pendaison. Le jeudi 19 avril 2018, une marche blanche à la mémoire de Jaouad est organisée dans le quartier Izards de Toulouse, à l’initiative de la famille du défunt qui demande à ce que la vérité soit faite sur cette affaire. Le même jour, les prisonniers de la maison d’arrêt de Seysses publient un communiqué (consultable ici : http://lenvolee.net/encore-un-mort-au-mitard-communique-de-prisonniers-de-seysses/) et ce en dépit des risques encourus. Dans ce communiqué, les prisonniers relatent leur version des faits : Jaouad aurait été battu à mort par plusieurs surveillants pénitentiaires qui auraient décidé de maquiller cet assassinat en faisant croire au suicide.

Six jours après la mort de Jaouad, la Chancellerie décide de réagir aux propos tenus par les prisonniers en se fendant d’un communiqué de presse (consultable ici : http://www.justice.gouv.fr/le-ministere-de-la-justice-10017/direction-des-services-judiciaires-10022/deces-dun-detenu-centre-penitentiaire-de-toulouse-seysses-31507.html), pour rappeler que l’enquête judiciaire suivait son cours et que rien ne permet d’alléguer que la mort de cette personne détenue puisse être due à des violences volontaire, a fortiori imputables à des agents du service public pénitentiaire.

Au même moment, de nouveau par voie de presse, on apprenait qu’un autre détenu de la maison d’arrêt de Seysses avait été retrouvé, lui aussi pendu, le même jour que Jaouad, dans une cellule du service médico-psychologique de l’établissement.

Les deux décès survenus le 14 avril 2018 ne sont qu’une énième manifestation de la situation de crise que connaît le centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses depuis de nombreuses années.

En effet, il convient de rappeler qu’un rapport accablant a été réalisé en mars 2013 par le groupe de travail Prison des sections de Toulouse et de Colomiers de la Ligue des droits de l’Homme (disponible ici : https://www.ldh-france.org/Rapport-sur-la-maison-d-arret-de/). Les auteurs du rapport évoquent une prison de type « orwellien » où la multiplication des caméras, des sas et des fouilles aboutit à des procédures de traitement industriel des personnes détenues, familles et personnels accrédités. En 2013, la Ligue des droits de l’Homme (LDH), dénonçait déjà la surpopulation carcérale, le taux d’occupation s’élevait alors à 134 %, et aujourd’hui le quartier maison d’arrêt de Toulouse-Seysses affiche un taux d’occupation de 166,3 % (1er avril 2018). Comme dans toutes les maisons et quartiers de maisons d’arrêt, la situation empire au détriment de toutes et tous. Dans le rapport la pratique consistant à réveiller les détenus pendant la nuit afin de prévenir les suicides, était l’objet de vives critiques car pouvant donner lieu à des abus. Les cellules d’isolement (mitard) étaient aussi condamnées fermement : et les conditions de détention psychologiquement destructrices du mitard (…). La LDH rappelle également son opposition à toute forme d’isolement disciplinaire quelle qu’elle soit, qu’elle estime comme une peine supplémentaire d’autant plus qu’elle ne fait pas suite a la décision d’un tribunal. Elle peut donc être qualifiée d’arbitraire.

De surcroît, cet établissement a fait l’objet d’une visite de la députée de la 7ème circonscription de Haute-Garonne membre du groupe La République en Marche le 31 août 2017. La collègue de madame le député a ainsi pu constater une situation chronique de surpopulation carcérale, aggravée par une difficulté à appliquer des aménagements de peines et un manque récurrent de personnel. La députée a indiqué également avoir interpellé la ministre de la justice sur la situation du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses.

En d’autres termes, M. le député s’étonne qu’en dépit des nombreux avertissements notamment de la Ligue des droits de l’Homme, mais aussi du récent constat dressé par une députée de la majorité, aucune mesure n’ait été prise pour cet établissement.

Il rappelle que le Parlement contrôle l’action du Gouvernement, comme il est indiqué à l’article 24 de la Constitution. En outre, au titre de l’article 719 du code de procédure pénale, les parlementaires français sont autorisés à visiter à tout moment les établissements pénitentiaires, et l’objet de cette visite est, comme l’a précisé le Conseil d’État, de permettre aux élus de vérifier que les conditions de détention répondent à l’exigence du respect de la dignité de la personne.

Sur ce double fondement, et au titre de la nécessaire transparence sur les questions ayant trait aux droits fondamentaux, M. le député demande à ce que lui soit transmis tout rapport d’inspection, d’incident concernant ces deux décès survenus d’une part dans une cellule du quartier disciplinaire et d’autre part dans une cellule du service médico-psychologique du centre pénitentiaire de Toulouse-Seysses. Enfin, il souhaite savoir quelles mesures elle entend mettre en place pour résoudre les problèmes de détention au sein de l’établissement pénitentiaire de Toulouse-Seysses. Les personnes placées en détention (prévenus ou condamnés) sont certes privées d’une partie de leur liberté, elles n’en restent pas moins des êtres humains, disposant de droits et dont il faut respecter la dignité.

Le décès d’un prévenu, c’est-à-dire d’une personne encore présumée innocente, au sein d’un établissement pénitentiaire avant que toute justice n’ait pu rendre son jugement, est un drame ineffable.

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