QE – Dématérialisation des procédures de demandes de cartes grises

Question écriteN°  14270
M. Ugo BernalicisLa France insoumise – Nord
Ministère interrogéIntérieur
Question publiée au JO le20/11/2018
Réponse publiée au JO le25/12/2018
Lien hypertextehttp://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-14270QE.htm

Texte de la question

M. Ugo Bernalicis interroge M. le ministre de l’intérieur sur la dématérialisation des demandes de certificats d’immatriculation et les retards entraînés par ce changement. La fermeture des services d’accueil en préfecture et sous-préfecture des guichets de demandes de cartes grises et de permis de conduire et la dématérialisation des procédures ont contraint l’ensemble des usagers à réaliser leurs démarches intégralement en ligne. Cette transformation s’affichait comme permettant une simplification pour l’usager. Les services préfectoraux ont été remplacés par des Centres d’expertise et de ressources des titres (CERT), plateformes de télé procédures, qui traitent les demandes collectées sur le site de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS). L’ANTS est désormais la seule à offrir une interface, téléphonique et électronique, avec le public.

Cette réforme va à contrecourant de la nécessité de déconcentrer les services de l’État et de rapprocher la population de ses services publics. Ce changement dans l’organisation des services a été mal négocié. Des centaines de milliers de dossiers se sont retrouvés en souffrance. Devant ces retards, certains citoyens ont saisi la justice administrative et ont gagné. Un jugement du tribunal administratif de Melun (Seine-Marne) est évocateur : constatant « qu’aucune solution n’est possible sans une intervention humaine », il a ordonné le 26 avril au ministère de l’intérieur « d’affecter un agent de la préfecture ou de la sous-préfecture la plus proche du domicile » d’un plaignant de Lésigny afin de l’aider à obtenir sa carte grise « dans un délai de dix jours ».

Les fonctionnaires chargés de l’accueil, du renseignement et du lien direct avec les agents traitants les dossiers ont été remplacés par des bornes informatiques. Il apparaît que la délivrance des cartes grises n’est pas toujours une formalité administrative simple. En effet, de nombreux cas particuliers nécessitent une intervention humaine pour ajuster, compléter, adapter le traitement des demandes. D’autre part, les cellules de traitement des demandes de cartes grises et de permis de conduire et leurs guichets permettaient aussi d’assouplir les conditions de dépôt des demandes et permettaient aux usagers de compléter rapidement leur dossier en contact direct avec les agents en cas de défaut de pièces. Aujourd’hui, ces ajustements ne sont plus possibles.

La présence de bornes informatiques et d’agents d’accueil, souvent précaires, n’étant pas en contact avec les CERT, ne permet pas de faire face au désarroi de dizaines de milliers d’usagers qui peinent à communiquer avec l’ANTS. La séparation nette entre les CERT et la plate-forme téléphonique de l’ANTS entraîne aussi un changement qualitatif quant à la réactivité et l’efficacité de l’administration. En effet, la présence passée de fonctionnaires chargés de l’accueil et du recueil des demandes particulières des usagers au côté et au contact direct des agents chargés du traitement administratif des dossiers entraînait pour ces derniers une obligation de solidarité et de résultat face aux aléas des dépôts et du traitement, leurs collègues de travail étant confrontés directement aux attentes des usagers.

Cette situation n’existe plus : les agents chargés du traitement sont isolés géographiquement des agents chargés du recueil des demandes particulières. Ainsi, la solidarité locale fondée sur la maîtrise complète du processus de traitement des dossiers par une équipe de fonctionnaires localisée et responsabilisée n’existe plus. Cela n’est pas non plus étranger aux difficultés rencontrées par les usagers.

Les nombreux retards sont aussi liés aux suppressions de postes qui ont accompagné ce changement. Le 9 novembre 2017, La Dépêche nous apprenait qu’en Haute-Garonne « Ils étaient 80 dans le département à gérer cartes grises et permis. Certains ont rejoint le centre d’expertise et de ressources titres (CERT) de leur propre chef. Ils sont aujourd’hui 50, 35 viennent de Haute-Garonne, 15 d’autres départements ». Ainsi, la raison des retards massifs s’éclaire.

Le passage au tout numérique, dans ce cas précis, déshumanise le service public et permet de réaliser des économies substantielles. Le tout au détriment du service rendu. Pour traiter les dizaines de milliers de dossiers, les préfectures ont réagi en mettant en place des CERT provisoires pour rattraper les retards. Ils ont pour cela eu recours à du personnel précaire alors que dans le même temps des postes avait été supprimés. Cette réorganisation a été le cheval de Troie d’une précarisation de l’emploi au sein de services qui dépendent encore des préfectures. Il l’interroge pour savoir s’il envisage de réfléchir à une nouvelle organisation des services chargés du traitement des demandes de certificats d’immatriculation en vue d’éviter les retards et la précarisation rampante des services publics.

Texte de la réponse

La réforme des préfectures dite « plan préfectures nouvelle génération » (PPNG) est désormais achevée. La première étape, certainement la plus significative, avait été la fermeture des guichets des préfectures le 6 novembre 2017 se traduisant par la généralisation du recours aux télé-procédures relatives aux demandes de certificats d’immatriculation. Au 3 décembre 2018, plus de 8,4 millions de télé-procédures ont été engagées. C’est autant de situations dans lesquelles l’usager n’a pas eu besoin de se déplacer et d’attendre au guichet de préfecture. Comme dans la mise en place de tout nouveau système d’information, des difficultés techniques affectant un nombre limité d’opérations, sont apparues lors de la généralisation du dispositif. Les équipes du ministère sont pleinement mobilisées pour y répondre. Concernant les dysfonctionnements ressentis par les usagers, il a été observé les premières semaines du déploiement une lenteur de la connexion au site de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) pour créer un compte personnel et utiliser les télé-procédures. Ce point est en nette amélioration et a progressé depuis mars dernier avec la mise en place d’un site plus ergonomique. D’autres évolutions sont programmées jusqu’à la fin de l’année 2018, qui permettront d’améliorer encore le site. Les dysfonctionnements les plus impactants, dans la réforme de la délivrance des titres par les préfectures, ont concerné les certificats d’immatriculation, du fait de la complexité de la réglementation et de la multiplication des cas particuliers qui se prêtent plus difficilement à une automatisation des procédures. S’agissant du dispositif d’accompagnement humain des usagers sur l’utilisation d’internet, 350 points numériques déployés dans les préfectures et les sous-préfectures ont permis aux usagers peu habitués au numérique de faire leur demande, avec l’assistance d’un médiateur numérique (jeune en service civique). Les premiers jours de novembre 2018, les points numériques ont été particulièrement sollicités. Par ailleurs, à l’ANTS, un dispositif téléphonique permet de répondre aux questions des usagers. La situation n’est pas encore optimale mais s’améliore notablement, du fait des renforts importants en télé-conseillers. Leur nombre est passé de 48 début 2017 à 181 en février 2018. Ce service téléphonique est gratuit depuis le 2 mai 2018. En outre, les effectifs des centres d’expertise et des ressources titres (CERT) ont été accrus par la présence de 25 agents supplémentaires dans chacun des 5 CERT et 88 agents dans 3 nouveaux CERT annexes mis en place afin de diminuer le stock des dossiers. Enfin, la prise d’un arrêté ministériel a permis de prolonger la durée de 1 à 4 mois des immatriculations provisoires en « WW » afin de permettre aux usagers de continuer de rouler avec leur véhicule importé le temps que les centres d’expertise procèdent à leur immatriculation. La priorité donnée au traitement de ces dossiers spécifiques par les centres d’expertise a d’ailleurs permis de résorber, avant la fin de l’année 2018, le retard. Des évolutions techniques importantes sont intervenues à fréquence régulière depuis le début de l’année afin de réduire le délai de traitement des demandes. Il est de 5 jours pour les demandes instruites par les professionnels habilités ou passant par les télé-procédures automatiques. Il est de 21 jours en moyenne, et en voie d’amélioration, pour les dossiers complexes passant par les CERT. Ces évolutions ont vocation à simplifier le parcours usager et améliorer l’efficience des centres d’expertise. Depuis le 26 juillet 2018, la procédure de paiement pour les usagers a été largement simplifiée. Certaines télé-procédures très utilisées comme la déclaration de cession et le changement de titulaire ont aussi vu leur parcours utilisateur simplifié, ce qui permet d’en améliorer le taux de traitement automatique (sans qu’une expertise soit requise par un centre de traitement). Une évolution récente, datant de fin octobre 2018, permet également de simplifier la démarche de l’usager, qui est désormais prévenu par sms de l’évolution du suivi de la prise en charge de sa demande afin de consulter le site de l’ANTS au moment opportun. En conclusion, les dispositifs mis en œuvre ont produit des effets positifs pour un très grand nombre d’usagers. Les dysfonctionnements techniques, inévitables au moment de la mise en œuvre de cette réforme, ont été traités ou sont en cours de règlement. L’effet des correctifs techniques, la montée en puissance de la capacité de réponse de l’ANTS et les renforts en effectifs depuis début janvier 2018 accordés aux CERT, ont entraîné, désormais, une amélioration réelle pour l’usager. L’ensemble de ces mesures traduit l’engagement du Gouvernement à garantir un service de qualité pour tous les usagers sur l’ensemble du territoire national, et à maintenir sa vigilance tout au long de la mise en œuvre de la réforme.

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