11 octobre 2018 – Les organisations non gouvernementales

Quoi de mieux pour inaugurer cette mission que d’auditionner les organisations et associations qui, depuis leurs débuts, ont érigé la délinquance financière en lutte prioritaire. Ce sont ces vigies de la société civile qui œuvrent depuis plusieurs décennies à alerter l’opinion ! Leur rôle essentiel de lanceurs d’alerte n’occulte pas la défaillance de l’Etat dans l’effectivité de la lutte contre cette délinquance ; c’est précisément ce qui m’interpelle.

Avec mon collègue le député LREM, Jacques Maire, nous recevons les représentants d’Anticor, d’Attac, d’Oxfam France et de Transparency International.

Globalement les moyens sont très insuffisants, et ce ne sont pas seulement les moyens matériels et humains qui sont insuffisants. Nous avons besoin de règles plus effectives !

Le ton est donné dès la première phrase du vice-président d’Anticor. Il cible les carences de l’action de l’Etat et du gouvernement : les moyens alloués à cette mission d’intérêt général sont trop insuffisants. Et pourtant il faut prendre la mesure de la lutte qui doit être engagée contre les détracteurs du pacte social et républicain qui échappent à l’impôt : “la délinquance économique porte atteinte au bien commun“. Des progrès ont toutefois été remarqués ces dernières années à travers la loi Sapin II [1] et la création du Parquet National Financier (PNF) en 2013. Les ONG se félicitent de ces maigres avancées – entre le vide ou des miettes… – seulement cette loi est une base juridique trop légère [2] et le PNF dispose de seulement 18 magistrats pour des centaines de dossiers. Mes intuitions se confirment, l’engagement de l’Etat est beaucoup trop faible.

Les moyens investis découlent de la volonté politique. Ce gouvernement n’en a pas.

L’audition se poursuit et les organisations dénoncent les unes après les autres les incohérences du cadre législatif : la nomination du procureur par le président de la République, la loi dite secret des affaires et la limitation du droit d’agir des associations, … Leur sentiment général est qu’elles semblent esseulées dans ce combat qui demande une implication totale. Mais plus largement cela interroge quant à la place de l’Etat. Le mot est fort, mais elles se sentent “trahies” par les institutions mêmes : le Conseil Constitutionnel défend régulièrement la liberté d’entreprendre au grand dam du droit à l’information [3]. La culture de la non-transparence est une affaire décidément bien française, bien ancrée dans les pratiques…

Autre particularité française dénoncée par nos auditionnées du jour : le pantouflage. Les ONG dénoncent cette pratique non frauduleuse en elle-même – bien que moralement répréhensible. Elles pointent clairement  le fait que la prise illégale d’intérêt n’est jamais très loin.

Au delà des dénonciations que je partage et qui nous permettent à mon collègue En marche et moi même de partir sur les mêmes bases, les ONG expertes en la matière sont aussi force de proposition – et ca me rappelle un peu quelqu’un… Par exemple, la représentante de Transparency, propose de généraliser les données agrégées de justice afin de vérifier que l’inéligibilité a bien été prononcé. Ces informations seraient à la libre disposition du peuple qui pourrait avoir un regard sur les activités de certains hauts responsables publics [4]. Le porte-parole d’Attac, nous explique qu’au Canada un commissaire indépendant aux conflits d’intérêts et à l’éthique peut être saisi par la société civile. A défaut d’emprunter leurs bonnes pratiques, la France et l’Union européenne préfèrent importer leurs poulets iodés…

Le nombre de procureur en France est l’un des plus faibles d’Europe, en revanche le nombre d’affaires est l’un des plus élevés d’Europe” [5]

Les attentes de ces associations sont nombreuses et à la hauteur de la mission que j’entends porter. Aussi je retiens à ce stade de notre mission plusieurs propositions qu’il s’agira ensuite d’approfondir :

  • Le décloisonnement du droit d’agir des associations, actuellement restreint par le code de procédure pénale ;
  • Des sanctions plus efficaces tant dissuasive que proportionnée ;
  • La déclassification du secret défense de certains éléments actuellement bloquant par une autorité indépendante ;
  • L’élargissement des compétences de la cour de discipline budgétaire et financière ;
  • L’utilisation publique des données des banques et l’extension de ce partage à l’ensemble des entreprises ;
  • L’inscription du “bien commun” dans la Constitution ;
  • La restitution des avoirs saisis au collectif ;
  • L’augmentation des moyens de la justice et l’assurance de son indépendance ;
  • La création d’une base de données sécurisée nationale qui recense l’ensemble des procédures engagées en matière de fraude.

Si nous voulons lutter efficacement et de manière crédible contre les différentes formes de délinquance financière, le gouvernement ferait bien d’entendre leurs nombreuses propositions.

En tout état de cause, cette première audition m’a permis de mesurer l’ampleur du sujet, les formes de délinquances sont si diverses que la tâche s’annonce compliquée. Pour autant, je suis heureux de constater que l’analyse portée par la France insoumise rejoint celle de ces ONG : l’État et le gouvernement peuvent faire mieux, ils doivent faire mieux.

Vidéo de l’audition disponible sur ma chaîne : https://www.youtube.com/watch?v=IYRe_uLFQNo


[1] Disponible sur le site Légifrance : https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033558528&categorieLien=id

[2] Protection des lanceurs d’alerte, plan de prévention de la corruption obligatoire pour les entreprises placées sous le contrôle de l’agence française anti-corruption…

[3] Depuis 2013 : 16 censures du Conseil Constitutionnel

[4] François Pérol, ex-conseiller économique de Nicolas Sarkozy devenu directeur du groupe BPCE https://www.humanite.fr/francois-perol-lhomme-lige-de-sarkozy-577644

[5] Rapport de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) du 04/10/2018

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