QE – Concurrence déloyale des entreprises tout-en-ligne

 

Question écrite N° 7766
M. Ugo Bernalicis La France insoumise – Nord
Ministère interrogé Économies et finances
Question publiée au JO le 24/04/2018
Réponse publiée au JO le 29/05/2018 soit un délai de 35 jours
Lien hypertexte http://://questions.assemblee-nationale.fr/q15/15-7766QE.htm

Texte de la question

M. Ugo Bernalicis attire l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur le problème posé par la concurrence déloyale des entreprises tout-en-ligne du fait de la fiscalité actuelle des entreprises.

Il rappelle que la fiscalité des entreprises se décompose en trois grands blocs : la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l’impôt sur les sociétés et les taxes locales. Pour chacun de ces blocs les entreprises tout-en-ligne bénéficient d’une fiscalité avantageuse.

En matière de TVA, s’il peut être intéressant de relever la décision de la commission européenne de faire payer la TVA sur le lieu de consommation, il n’en reste pas moins que tous les problèmes n’ont pas été résolus. Ainsi les entreprises tout-en-ligne ont transformé leurs sites marchands en place de marché où il est difficile de contrôler le paiement de la TVA.

Pour ce qui est de l’impôt sur les sociétés, il reconnaît les efforts déployés par le ministre à l’échelon européen, mais regrette toutefois qu’aucune décision n’ait encore été prise pour la mise en œuvre d’une taxe dite d’égalisation sur les chiffres d’affaires et non sur les profits par exemple.

Enfin sur la fiscalité locale, dont l’assise est fondée sur le foncier, les entreprises tout-en-ligne échappent également à ces prélèvements. Les taxes locales sont essentielles pour la fiscalité des collectivités territoriales, elles contribuent au bon entretien des infrastructures routières ou encore à la collecte des déchets, services dont profitent les entreprises tout-en-ligne.

Il alerte le Gouvernement sur la souffrance des commerces locaux qui subissent une concurrence déloyale à double titre : d’une part ils sont les seuls à s’acquitter des taxes locales, d’autre part les entreprises tout-en-ligne profitent des infrastructures et services que les commerçants contribuent à financer.

Il considère qu’il existe un risque important de concurrence déloyale contre les commerces locaux, se traduisant par des faillites, et qui induit donc une perte de recettes pour les collectivités locales. Le Gouvernement ne cesse de rappeler que le numérique est une chance ; le député souhaite signaler que la réussite de certains ne doit pas se faire au détriment de la survie des autres. Derrière cette question de la concurrence déloyale des entreprises tout-en-ligne, c’est la survie des commerces qui se joue, et à travers elle la vitalité des communes, et la vie sociale des territoires.

Il souhaite ainsi savoir pour chacun des blocs de fiscalité précédemment évoqués, quelles solutions il prône afin de garantir les conditions d’une concurrence loyale entre commerces physiques et entreprises tout-en-ligne.

Texte de la réponse

Le Gouvernement a engagé plusieurs actions afin de répondre à la nécessaire adaptation de la fiscalité au commerce numérique. En matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pour assurer que le lieu de taxation corresponde bien au lieu de la consommation finale, un régime fiscal applicable à la vente à distance a été mis en place en 1993. Ce régime spécifique s’applique lorsque les biens sont expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte à partir d’un autre État membre de l’Union européenne à destination d’une personne non assujettie à la TVA et prévoit la taxation systématique dans l’État de destination des biens dès lors que le montant des ventes effectuées par un même vendeur vers ce pays excède un seuil qui a été abaissé le 1er janvier 2016 à 35 000 € par an. Ce régime garantit donc que, au-delà d’un certain volume de chiffre d’affaires, la TVA ne soit pas source de distorsions de concurrence entre entreprises, le montant de TVA dû par le commerçant étant alors identique quel que soit le mode de distribution des biens concernés (vente en magasin ou via un site Internet). Ce régime est d’ailleurs appelé à évoluer conformément à la directive no 2017/2455 du Conseil du 5 décembre 2017 modifiant certaines obligations en matière de TVA applicables aux prestations de services et aux ventes à distance de biens. Ainsi, cette directive prévoit, à compter du 1er janvier 2019, la suppression des seuils nationaux et l’instauration d’un seuil unique de 10 000 € par an. De plus, à compter du 1er janvier 2021, le respect de leurs obligations fiscales en matière de TVA par les entreprises qui réalisent des ventes à distance de biens sera facilité par le recours à un portail unique en ligne leur permettant d’effectuer leurs démarches déclaratives et de paiement.

Ce portail sera également ouvert aux entreprises amenées à effectuer des ventes à distance de biens importés au profit des consommateurs de l’Union européenne. En outre, cette directive prévoit que les acteurs des marchés qui facilitent, par l’utilisation d’une interface électronique telle qu’une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire, soit les ventes à distance de biens importés de territoires tiers ou de pays tiers contenus dans des envois d’une valeur intrinsèque ne dépassant pas 150 €, soit les livraisons de biens effectuées par des opérateurs non établis dans l’Union européenne au profit de consommateurs finaux, seront désormais redevables de la TVA. Enfin, il est rappelé que, s’agissant des services fournis par voie électronique, la TVA est prélevée au lieu de situation du consommateur depuis le 1er janvier 2015. En matière d’imposition des bénéfices des entreprises, la France se mobilise avec ses partenaires, tant au G20 qu’au niveau de l’Union européenne, pour corriger les différences de taxation actuellement constatées selon le lieu d’établissement des opérateurs économiques.

L’initiative prise par la France avec neuf États membres lors de l’ECOFIN des 15 et 16 septembre 2017 a conduit le Conseil à demander à la Commission européenne de proposer des mesures concrètes et opérationnelles en vue d’agir tant à court terme qu’à long terme, en cohérence avec les travaux déjà engagés au sein de l’Union européenne en matière d’harmonisation de l’impôt sur les sociétés.

Ainsi, à la demande d’un groupe d’États membres rassemblé par la France, la Commission a proposé, le 21 mars 2018, au Conseil européen un paquet législatif global destiné à réformer la fiscalité s’appliquant aux activités numériques au sein de l’Union européenne. Celui-ci est composé d’une première directive instituant, à titre provisoire, une “taxe sur les services numériques”assise sur le chiffre d’affaires issu de certaines activités numériques des grandes entreprises (publicité en ligne, plateforme d’intermédiation pour la réalisation de vente de biens et de services en ligne, vente de données) et d’une seconde directive proposant une solution de plus long terme en vue d’imposer les profits réalisés par les entreprises du secteur numérique en s’appuyant sur la notion de”présence numérique significative “. Ces propositions de directives ont fait l’objet de premières discussions entre les États membres de l’Union européenne. La France soutient fortement une adoption rapide de la première directive.

En matière de fiscalité directe locale, le Gouvernement mène une réflexion spécifique sur le secteur du commerce. En effet, cette activité est aujourd’hui confrontée aux évolutions démographiques, aux nouveaux comportements de consommation, (notamment le développement du commerce électronique), et à l’arrivée de nouveaux acteurs qui obligent les commerçants à adapter leur offre de services pour mieux répondre aux besoins de la clientèle. Dans ce contexte, le Premier ministre a confié une mission à l’Inspection générale des finances afin de dresser un état des lieux des prélèvements pesant sur les entreprises de ce secteur et d’élaborer des propositions en vue d’aboutir à un cadre fiscal plus équitable entre les différentes formes de commerce et de redynamiser les zones commerciales des centres-villes. À ce titre, la mission examinera notamment les modalités d’imposition à la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom) et la pertinence des taxes à faible rendement touchant ce secteur. La mission remettra ses conclusions au Premier ministre d’ici la fin du premier semestre 2018. L’ensemble de ces mesures apparaît de nature à apporter des réponses concrètes et efficaces aux difficultés évoquées.

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